La cartographie d’habitat

La cartographie d’habitat est essentielle à l’étude et la gestion des populations de poissons migrateurs. Cette action permet de quantifier les zones de reproduction et de grossissement pour les poissons migrateurs. Les données récoltées permettent de comparer les rivières entre elles afin d’optimiser la réintroduction sur les secteurs les plus productifs.

La phase de terrain consiste à relever un maximum de données susceptibles de caractériser un habitat favorable ou non aux grands migrateurs, particulièrement le saumon atlantique dans notre cas. On regarde donc en priorité la profondeur, la vitesse d’écoulement (lent ou rapide) et le substrat. Ces premières observations permettent de caractériser des surfaces d’habitat homogène (profond lentique, plat lentique, plat courant, radier, rapide…) et ainsi d’évaluer la capacité d’accueil d’un cours d’eau. Cette cartographie complète les données de franchissabilité des cours d’eau. 

Le suivi des reproductions

Des prospections à pied ou en embarcation sont réalisées afin de comptabiliser et de caractériser les frayères de grands salmonidés et de lamproies marine. L’ensemble des axes migrateurs présentant des habitats adéquats sont concernés. Le suivi de la reproduction naturelle des salmonidés migrateurs est une action essentielle pour le programme de restauration des populations de poissons amphihalins en Alsace. En effet, la découverte de nids de ponte démontre, premièrement, la réussite de la reproduction naturelle mais permet aussi de suivre l’évolution de l’aire de répartition de ces espèces en fonction de l’avancée des actions menées en faveur de la libre circulation piscicole dans le bassin alsacien. L’analyse chronologique des résultats vise à caractériser les progrès obtenus dans la restauration de l’écosystème rhénan.

LES GRANDS SALMONIDES MIGRATEURS

Les périodes de reproduction et les caractéristiques des frayères étant similaires pour les saumons et les truites de mer, seules des études génétiques permettent d’attribuer un nid à l’une ou l’autre espèce. En conséquence, c’est un suivi global de la reproduction des salmonidés migrateurs qui est effectué.

LES LAMPROIES MARINES

La lamproie marine, au même titre que le saumon atlantique et la truite de mer, est un migrateur amphihalin anadrome. Elle partage donc les différentes étapes de son cycle de vie entre rivière et mer. C’est sur la période de mai à juillet quand la température se situe entre 15 et 18°C que les frayères peuvent être observées. Le mâle construit un vaste nid ovale (jusqu’à 2 m de diamètre), et la femelle va venir y déposer ses œufs.

Repeuplement

Auparavant, le Rhin était un fleuve salmonicole où plusieurs centaines de milliers de saumons remontaient (maximum référencé à 250 000 en 1885 ; CIPR, 1999). Une multitude de facteurs tels la canalisation du Rhin entrainant une perte d’habitat, la pollution des eaux due au développement industriel, ou encore la construction de barrages, a entrainé la disparition du saumon sur le fleuve.

A la suite de la catastrophe chimique de Bâle en 1986 qui décima une partie des poissons et des micro-organismes jusque dans le Rhin inférieur, la CIPR (Commission Internationale pour la Protection du Rhin) publia un « Programme d’Action Rhin » dont un des axes, « Saumon 2000 », précisait les objectifs généraux et les mesures de restauration et de protection du Rhin. Il visait principalement la réduction des rejets de polluants et l’amélioration de la qualité des écosystèmes afin de permettre la réimplantation des poissons migrateurs. En 1994, les premières frayères sont observées sur la Sieg (Rhin Inférieur) et en 1995 un saumon remonte le Rhin jusqu’à Iffezheim (Rhin Supérieur). Au vu de ces résultats prometteurs, un nouveau programme « Rhin 2020 » est adopté en 2001 afin de poursuivre les efforts. Il se décline en 4 enjeux principaux :

  • Le retour des saumons dans le Rhin par milliers ;
  • Assurer la libre migration des saumons jusqu’à Bâle ;
  • Relancer par alevinage le cycle de reproduction ;
  • Développer une population naturelle ;

La souche Allier est privilégiée pour sa capacité à produire des géniteurs de grande taille (séjournant 2 à 3 hivers en mer) adaptés aux longues migrations comme l’était l’ancienne souche rhénane. Pour obtenir des alevins de souche Allier, une partie des œufs est importée depuis la salmoniculture de Chanteuges (Conservatoire National du Saumon Sauvage) puis élevée dans les piscicultures partenaires. Une autre partie des œufs est produite par deux piscicultures alsaciennes à partir de géniteurs enfermés, ou de géniteurs sauvages capturés sur le Rhin, que l’on nomme « souche Rhin ».

Deux stades sont privilégiés sur le bassin du Rhin : 

Les différentes opérations de repeuplement sont coordonnées et réalisées par l’Association Saumon-Rhin. Nos partenaires, la SCEA Saumon du Rhin ainsi que la Petite Camargue Alsacienne, participent au programme depuis son origine en tant que site d’élevage. 

Les secteurs alevinés (listés dans le PLAGEPOMI) sont sélectionnés en fonction de leur potentiel d’accueil et de manière à limiter la mortalité (franchissement des usines hydroélectriques) des individus réintroduits durant leur migration de dévalaison. 

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Pêche d’indice d’abondance

Afin d’estimer la survie des alevins déversés, des pêches électriques de contrôle sont réalisées en automne sur les zones de repeuplement. Les alevins de saumon capturés sont ainsi dénombrés, mesurés puis relâchés sur le lieu de la pêche.

Comment ça marche?

Comme son nom l’indique, la pêche électrique repose sur le principe de créer un champ électrique entre 2 électrodes, une cathode (phase négative constituée d’une pièce métallique disposée dans l’eau) et une anode (phase positive qui se présente sous la forme d’un manche isolé terminé par un arceau métallique) afin de capturer les poissons. Le comportement des poissons est modifié dans un champ électrique. En effet, le courant agit sur les fibres nerveuses comme excitateur ou inhibiteur selon la position du poisson.

Un protocole spécifique?

La méthode utilisée pour nos pêches de contrôles est celle des indices d’abondance, dite « pêche 5 minutes » (Prévost et Baglinière, 1993). Le principe de détermination de l’indice d’abondance consiste à pêcher de façon standardisée à une seule anode avec une surface d’épuisette constante pendant une durée de 5 minutes (durée d’action de l’anode dans l’eau). Contrairement à une pêche de sauvetage ou d’inventaire, les épuisettes restent fixent pour respecter le protocole. L’effort de capture lors de la prospection est réparti sur l’ensemble des faciès présent sur une station.

Programme génétique

Jusqu’en 2018, les suivis d’efficacités des mesures de réintroduction et les différentes études génétiques ont été menées à l’échelle nationale voir régionale mais n’étaient pas coordonnées entre les différents partenaires internationaux du programme de réintroduction du saumon rhénan.

À la suite de l’initiative des délégués suisses, un projet de monitoring génétique coordonné entre les différentes délégations a été mis en place au sein de la CIPR (Commission Internationale pour la Protection du Rhin).

Objectifs :

  • Harmonisation des méthodes appliquées afin de permettre une comparaison des résultats obtenus par les différentes délégations.
  • Estimer la proportion de saumon issus des programmes de réintroduction et du frai naturel.
  • Evaluer le succès des différentes stratégies de rempoissonnement appliquées (choix des rivières, stade de développement aleviné, origine des parents).

Ce programme a débuté en 2017  avec les génotypage des premiers juvéniles et de leurs parents. Il se poursuivra jusqu’en 2025, dernière année estimée de remontée de la dernière cohorte génotypée. Les prélèvements génétiques sur les adultes en montaison sont réalisés sur les individus capturés aux stations de piégeage d’Iffezheim et de Gambsheim. 

Suivi des migrations

Migration de montaison

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Dévalaison des smolts

De 2019 à 2021, une étude de la migration de dévalaison des smolts a été réalisé. L’objectif était d’améliorer la connaissance des facteurs environnementaux influençant la migration des smolts sur le bassin versant du Rhin mais aussi de tester pour la première fois dans le grand Est la mise en place d’un piège de dévalaison. A l’automne 2018, le dispositif de piégeage a été installé sur l’Ill au niveau de Strasbourg, afin de recapturer les smolts provenant des affluents de l’Ill. La capture de smolts a permis de réaliser des échantillonnages conformément au programme d’étude génétique en cours. Le piégeage s’effectue de mars à fin mai afin d’englober théoriquement la période de dévalaison des smolts.

Télémétrie

La technique RFID (Radio Frequency Identification) permet de suivre le comportement des salmonidés, anguilles et cyprinidés dans les passes à poissons.

Les suivis ont débuté sur la passe à poissons de Gambsheim afin d’en vérifier la fonctionnalité et de valider certains critères de conception de l’ouvrage (positions des entrées, dimensionnement des débits et chutes dans l’ouvrage…). Ces données ont été prises en compte dans la conception des ouvrages situés en amont de Gambsheim.

Principe de la méthode : Dans un premier temps les dispositifs de franchissements que l’on cherche a étudier sont équipés d’antennes à différents points stratégiques. Des poissons sont capturés à l’aide de nasse ou par pêche électrique puis marqués à l’aide d’un transpondeur passif identifié par un code unique. Ils sont ensuite relâchés à l’aval des ouvrages étudiés. Leurs déplacements dans la passe à poissons sont enregistrés par les antennes.

Evaluation de la continuité écologique

Les poissons grands migrateurs étant amenés à parcourir de grandes distances afin de réaliser leur cycle de vie partagé entre rivière et mer, la restauration et/ou la préservation de la continuité écologique, c’est-à-dire la libre-circulation des populations dans leur milieu, est primordiale. Pour ce faire, l’association Saumon Rhin effectue des évaluations de la franchissabilité des ouvrages hydrauliques présents sur les rivières à intérêt migrateurs. Les seuils anciens ne présentant plus aucun intérêt sont arasés tandis que les autres sont équipés de passes à poissons. Ces dispositifs de contournement sont ensuite étudiés afin d’évaluer leur efficacité pour l’ensembles des espèces ciblées. Cependant, les phénomènes météorologiques sont susceptibles d’amener des embâcles au sein de l’ouvrage et donc de le rendre ponctuellement inefficace. Un entretien régulier est donc crucial au bon fonctionnement des passes à poissons. Le suivi des ouvrages est effectué par l’association sur les axes à intérêt majeur que sont l’Ill et la Bruche.

Diagnostic de la franchissabilité des ouvrages

Pour évaluer la franchissabilité d’un ouvrage, il existe plusieurs méthodes. Concernant les grands salmonidés migrateurs, l’association Saumon-Rhin utilise une grille d’expertise, classant les obstacles en trois catégories ; Franchissable (F), Plus ou Moins Franchissable (PMF) et Infranchissable (IF). Plusieurs critères sont pris en compte lors de l’observation ; l’espèce avec ses capacités de nage et de saut, la hauteur de chute, la physionomie de la chute, présence/absence d’une fosse d’appel, attrait…

Il est important de noter que la classification IF ne signifie pas que le seuil est infranchissable 100% du temps, il peut exister des situations où une part de la population trouve un moyen de passer selon les conditions. De la même manière pour un seuil classé F, il ne le sera pas à 100% car il y a toujours une part de la population qui ne trouve pas la voie à emprunter.

Pour l’anguille en revanche, c’est la méthode Steinbach qui est utilisée, notant les seuils de 0 à 5, c’est-à-dire du stade obstacle arasé/ruiné continuellement franchissable au stade exclusivement infranchissable. Les critères pris en compte sont la hauteur de chute et sa pente, la rugosité de l’ouvrage, le pendage latéral, l’existence de voies annexes…

Suivi de l’entretien des passes à poissons

Le suivi de l’entretien des passes à poissons est effectué en fonction des périodes de migration du saumon atlantique, soit deux fois par an. La majeure partie des migrations rhénanes se déroulant au printemps, un premier passage est fait sur les ouvrages de l’Ill et de la Bruche. Ce suivi permet d’anticiper l’arrivée des grands salmonidés migrateurs mais elle bénéficie également aux autres grands migrateurs tels que l’anguille européenne ou encore la lamproie marine par exemple ainsi qu’aux cyprinidés dont la migration est principalement printanière. A propos de l’anguille, des dispositifs nommés passes à brosses, lui sont spécifiquement dédiée, lui permettant de franchir les ouvrages par reptation.

Un suivi automnale est également assuré pour la seconde vague de migration du saumon, juste avant la reproduction, afin d’optimiser l’accès aux habitats en amont.

Le but de l’action est de montrer aux gestionnaires des ouvrages l’importance du maintien de la continuité et les retours sont très positifs car on observe un meilleur état global des passes à poissons.